World Cup Project #9. Depuis son sacre mondial à domicile en 1998, l’équipe de France a connu des fortunes diverses en Coupe du monde. Retour sur ces 20 dernières années, pour estimer si les Bleus peuvent récidiver en 2018.
Le titre de champion du monde de l’équipe de France commence à dater. À tel point qu’un joueur qui devrait être en vue en Russie cet été, Kylian Mbappé, n’était même pas né quand Didier Deschamps et ses coéquipiers ont soulevé le trophée (il fêtera ses 20 ans le 20 décembre).
Depuis 1998, le bilan des Bleus est plutôt mitigé : en 18 matchs, ils ont remporté sept victoires, concédé six nuls et perdus cinq fois. S’ils ont atteint la finale une fois (2006), ils ont vécu deux éliminations au premier tour et sans gagner un match. Ce bilan est moins bon comparé à la période 1982-1998, où la France compte sept victoires, quatre nuls et trois défaites en quatorze matchs, en ayant atteint deux fois les demi-finales. Cependant, elle a raté deux Coupes du monde (1990 et 1994) dans cette période. Ces résultats ne sont donc que ceux de 1982 et 1986.
En outre, l’équipe de France des années 1980 était plus offensive que celle des années 2000. La génération Platini a inscrit 28 buts en 14 rencontres, soit deux buts par matchs, alors que les Bleus de 2002 à 2014 n’ont marqué que 20 buts en 18 matchs, soit à peine plus d’un but par rencontre. L’équipe de France s’est beaucoup plus appuyée sur sa défense après son titre de 1998, n’encaissant que 13 buts (0,7 par match) contre 18 en 1982 et 1986 (1,3 par match).
Défense solide et joueur providentiel
Inspiré par le 4-5-1 (plus précisément 4-3-2-1) de France 1998, les sélectionneurs de l’équipe de France vont longtemps asseoir leur tactique sur la défense. Ainsi, la France évolue en 4-2-3-1 de 2002 à 2010. Ce système permet de dédier deux joueurs à la récupération. Emmanuel Petit, Patrick Vieira, Claude Makélélé, Jérémy Toulalan et Abou Diaby se sont succèdés ou ont été associés dans ce rôle. Ce n’est qu’en 2014 que Didier Deschamps aligne les Bleus en 4-3-3 en Coupe du monde. C’est également la première fois depuis 2002 que la défense compte des joueurs aussi jeunes, surtout la paire de centraux. De 2002 à 2010, les défenseurs axiaux ont une moyenne d’âge supérieure à 30 ans (Desailly-Lebɶuf en 2002, Gallas-Thuram en 2006 et Gallas-Abidal en 2010). Mais en 2014, la paire Varane-Sakho (alignée trois fois dans la compétition) a moins de 24 ans d’âge moyen. Le manque d’expérience de Varane s’est d’ailleurs ressenti sur le but de Mats Hummels en quarts contre l’Allemagne, qui élimine la France.
En dehors de la défense, le système de jeu des Bleus a longtemps reposé sur un joueur clé, un meneur. Là encore, on peut y voir une jurisprudence due à 1998, puisque ce joueur a un temps été Zinédine Zidane. Cependant, il n’avait pas eu un impact si important que ça lors de cette compétition avant ses deux buts face au Brésil, et il était épaulé par Youri Djorkaeff dans le 4-3-2-1. Mais il est bien devenu le meilleur joueur et le leader technique de l’équipe de France par la suite. Ce besoin d’avoir un joueur clé s’est surtout vu… lorsqu’il a manqué. En 2002, les blessures de Zidane et de Pirès ont pénalisé les Bleus, incapables de désarçonner leurs adversaires. Johan Micoud et Youri Djorkaeff n’ont pas réussi à remplir ce rôle convenablement, et Zidane n’était pas à 100 % lors du dernier match contre le Danemark.
Alors que la Coupe du monde 2006 fut un récital pour ZZ, le Mondial en Afrique du Sud a, une nouvelle fois, démontré l’importance d’un joueur providentiel pour le jeu des Bleus. Le poste de meneur fut occupé par Yoann Gourcuff (contre l’Uruguay et l’Afrique du Sud) et Franck Ribéry (contre le Mexique), avec le succès que l’on connaît. Cependant, l’absence d’un meneur de jeu brillant n’était pas le seul manque en 2010, loin de là.
En passant en 4-3-3, Didier Deschamps a peut-être trouvé une solution pour moins dépendre d’un joueur, chargé presque à lui seul de l’animation offensive. Désormais, le rôle de leader technique est partagé, sur le papier, entre Antoine Griezmann et Paul Pogba. Sachant que Nabil Fekir est aussi en mesure de prendre le jeu à son compte. Avec les armes offensives pouvant évoluer sur les côtés (Mbappé, Thauvin, Dembélé, Lemar) un point de fixation efficace (Giroud) et des milieux capables de récupérer le ballon et/ou de se projeter vers l’avant (Matuidi, Tolisso, Pogba) le schéma tactique des Bleus peut clairement fonctionner.
Meilleurs avec des jeunes
En 1998, la France est devenue championne du monde avec un groupe relativement expérimenté. La plupart des joueurs évoluent dans le meilleur championnat européen de l’époque, la Série A italienne, et les 22 sélectionnés affichent une moyenne d’âge de presque 27 ans (26,7). Le groupe compte cependant peu de trentenaire, en dehors des deux gardiens suppléants (Bernard Lama, 35 ans, Lionel Charbonnier 31 ans) et de deux titulaires (Laurent Blanc, 32 ans, Youri Djorkaeff, 30 ans). En revanche, les Bleus ont une expérience internationale assez limitée, avec 23 sélections en moyenne (22,8). Le profil médian, qui coupe le groupe en deux (50 % des joueurs sont au-dessus et 50 % en-dessous) est un joueur de 27 ans avec 15 sélections. Parmi les 11 de la moitié inférieure, la moyenne d’âge est inférieure à 24 ans (23,8) et le nombre moyen de sélections inférieur à 10 (7,4).
Quatre ans plus tard en Corée du Sud et au Japon, le groupe France est sensiblement plus expérimenté. Il s’appuie sur l’ossature championne du monde : 14 joueurs faisant partie de la liste de 1998, et ils auraient dû être 15 sans la blessure de Robert Pirès. Du coup, c’est un groupe avec 28 ans et près de 40 sélections en moyenne qui va se crasher lamentablement dès le premier tour. En observant les joueurs sous le profil médian (29 ans et 37 sélections) on trouve un groupe de 11 joueurs de 25 ans avec 15 sélections internationales en moyenne. Il y a donc relativement peu de véritables nouveaux venus.
Ce schéma est assez similaire en 2006, à ceci près que plusieurs jeunes joueurs entrent dans le groupe. Ainsi, si l’âge et le nombre de sélections moyens est similaire à 2002, le nombre médian de sélections tombe à 19. L’apport de joueurs comme Eric Abidal, Florent Malouda, Franck Ribéry ou Alou Diarra donne une seconde jeunesse à une ossature d’expérience (Barthez, Gallas, Thuram, Vieira, Makélélé, Zidane, Henry), qui va ainsi parvenir jusqu’en finale.
En 2010, un fort vent de fraîcheur souffle sur l’équipe de France. L’âge moyen passe sous les 28 ans (27,4) et le nombre de sélections passe de 39 à 31. Cependant, le profil médian reste peu ou proue identique (28 ans, 20 sélections). Mais surtout, on peut voir rétrospectivement que les nouveaux entrants en 2010 n’ont pas été à la hauteur sur la durée. Alors que la plupart des jeunes nouveaux venus de 2006 sont devenus des joueurs importants quatre ans plus tard (Abidal, Ribéry, Malouda), ceux de 2010 sont nombreux à avoir disparu du groupe France en 2014 : Gaël Clichy, Jérémy Toulalan, Abou Diaby, Yoann Gourcuff, André-Pierre Gignac (même si ce dernier est revenu en grâce après la Coupe du monde 2014 et a disputé l’Euro 2016). Si quelques-uns n’ont plus joué en Bleu suite aux événements de Knysna (Toulalan, Gourcuff), ils n’ont surtout pas su se maintenir au niveau durant la période 2010-2014 pour devenir des cadres de l’équipe.
2014, le renouvellement
Pour le Mondial au Brésil, le groupe des 23 affiche un certain renouveau : seulement quatre joueurs faisaient partie de la liste de 2010 (Lloris, Sagna, Evra et Valbuena). Ce chiffre est inférieur aux précédents (14 en 2002, 11 en 2006 et 7 en 2010). La moyenne d’âge tombe à 26 ans et le nombre moyen de sélections à 21. Le profil médian est un joueur de 27 ans avec 17 sélections, et la moyenne de la moitié inférieure est de 23 ans et 5 sélections. Et ces jeunes joueurs, contrairement à ceux de 2010, se sont depuis installés en équipe de France. Parmi eux figurent Raphaël Varane, Blaise Matuidi, Paul Pogba et Antoine Griezmann.
1998, si loin et pourtant si proche
Le groupe qui se rendra en Russie est très proche de celui de 1998 dans sa composition. Si les joueurs ne proviennent pas en majorité d’un seul championnat, ils évoluent pour la plupart dans de grands clubs (Real Madrid, FC Barcelone, Atletico Madrid, Manchester United, Chelsea, Juventus Turin). Comme en 2014, la moyenne d’âge et du nombre de sélections est similaire à celui de 1998, tout comme le profil médian. Et comme en 1998, plusieurs « jeunes joueurs », que ce soit par leur âge ou leur expérience internationale, sont appelés à devenir des tauliers dans les années à venir. Ils s’appelaient Fabien Barthez, Patrick Vieira, Thierry Henry ou David Trezeguet il y a 20 ans, ils se nomment Samuel Umtiti, Djibril Sidibé, Corentin Tolisso ou Kylian Mbappé aujourd’hui. Et d’autres peuvent émerger ou affirmer leur talents au plus haut niveau à l’avenir comme Nabil Fekir, Ousmane Dembélé ou Benjamin Mendy.
Avec un sélectionneur rompu à la victoire dans toute sa carrière et un système de jeu rendant moins dépendant aux bonnes performances d’un seul joueur, les arguments des Bleus pour une victoire finale existent. D’autant que la plupart des joueurs ont pu s’aguerrir lors d’un Euro 2016 abouti à défaut d’être pleinement réussi, comme ce fut le cas de France 98 avec l’Euro 1996. La France débutera avec un groupe accessible et pourra monter en puissance lorsque les gros chocs arriveront, vraisemblablement en quarts de finale où pourraient se trouver l’Espagne, le Portugal ou l’Uruguay.
Si la liste des 23 est un bon amalgame entre expérience et jeunesse, des doutes existent néanmoins. Quel niveau attendre d’un Kylian Mbappé, qui semble un peu stagner au PSG cette saison ? Quel Paul Pogba verra-t-on en Russie : celui éclatant de la Juventus jusqu’en 2016, ou celui parfois en difficulté avec le United de Mourinho cette année ? Les latéraux sont-ils au niveau pour gagner une Coupe du monde ? Car Djibril Sidibé fut moins bon avec l’AS Monaco en fin de saison, Benjamin Mendy n’aura peut-être pas retrouvé le niveau d’avant sa grave blessure et Lucas Hernandez n’a pas de référence internationale. C’est ici que s’arrête les prévisions, pour laisser place à la vérité du terrain dans deux semaines.
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