World Cup Project #1 : neuf joueurs ont obtenu le Ballon d’Or Adidas au terme d’une Coupe du monde de football. En attendant de connaître l’identité du dixième lauréat en juillet prochain, penchons nous sur les caractéristiques de ses prédécesseurs.
Énième distinction individuelle dans un sport collectif, le Ballon d’Or Adidas (à ne pas confondre avec le Ballon d’Or France Football, décerné annuellement) récompense le meilleur joueur de chaque Coupe du Monde. Depuis sa création en 1982, neuf joueurs ont reçu cet honneur. Mais comme son grand frère, le Ballon d’Or Adidas suscite parfois la polémique.
Légitimité vs subjectivité
Le 13 juillet 2014, Lionel Messi recevait son trophée sans avoir le cœur à le célébrer. Rien d’étonnant lorsque l’on vient de perdre une finale de Coupe du monde… Dès le lendemain médias et réseaux sociaux s’interrogent : comment se fait-il que l’Argentin ait été désigné alors que plusieurs de ses adversaires en finale semblaient le mériter tout autant (Thomas Müller, Toni Kroos ou Philipp Lahm) et sont champions du monde ? Le meilleur joueur du tournoi peut-il être celui qui est passé à côté de sa finale ?
De quoi nourrir l’idée que le Ballon d’Or Adidas serait décerné avant le coup d’envoi, ce dont la FIFA se défend. Le Groupe d’étude technique (TSG), composé d’anciens coachs et d’anciens internationaux des différents continents, a officiellement jusqu’à la fin de la finale pour se décider. Gérard Houllier, membre du TSG en 2014, avait justifié le choix de Lionel Messi en rappelant que le Groupe visionne tous les matchs et regarde les performances sur l’ensemble de la compétition.
Mais l’ancien entraîneur de Liverpool et de Lyon mettait en avant des critères beaucoup plus subjectifs que les performances pures.
« L‘analyse prend aussi en compte le fait qu’il était capitaine d’une équipe soudée. Une formation qui a bien joué ensemble. Chose qu’on n’avait plus vue depuis longtemps en Argentine. En demi-finales, contre les Pays-Bas, il marque son penalty en tant que premier tireur »
Voilà pourquoi les débats ne pourront jamais être tranchés. Dès l’instant où les critères d’attribution incluent une dimension subjective (a-t-il été un bon capitaine, marquer son tir au but en premier est-il plus important que le dernier tireur ?) il ne pourra y avoir un consensus évident. Le Ballon d’Or Adidas pourrait se résumer à choisir, parmi les champions du monde, celui qui a marqué le plus et fait le plus de passes décisives. Mais cela le rendrait redondant avec le Soulier d’Or qui récompense déjà le meilleur buteur, et laisserait encore moins de chance qu’ils n’en ont aux joueurs défensifs.
Qui es-tu, lauréat du Ballon d’Or Adidas ?

Dans huit cas sur neuf, le meilleur joueur de la Coupe du monde est un joueur offensif. La seule exception eut lieu en 2002 lorsque que le gardien de but allemand Oliver Kahn fut préféré à l’avant-centre brésilien Ronaldo. Pourtant, c’est bien son dauphin qui avait remporté le duel de la finale en marquant le doublé de la victoire et le Soulier d’Or par la même occasion. Trois d’entre eux ont remporté la finale, la dernière fois en 1994, quatre étaient finalistes malheureux et deux absents de la finale mais meilleurs buteurs de la compétition (Diego Forlán était à égalité avec trois joueurs en 2010).
Sur l’ensemble du palmarès, le Ballon d’Or Adidas est revenu à des joueurs relativement expérimentés. En moyenne, les lauréats étaient âgés de 27 ans et jouissaient déjà d’une carrière internationale solide (48 sélections et 18 buts en moyenne). La plupart ont été (Rossi en 1982, Schillaci en 1990) ou ont compté parmi les meilleurs buteurs de la compétition. Zinédine Zidane, primé en 2006, est le seul joueur de champ lauréat à avoir marqué moins de quatre buts.
1990-2002, une décennie particulière
Durant cette période, les lauréats affichaient un passé international moins conséquent en nombre de sélections (29 en moyenne). Seul Oliver Kahn en comptait plus de 40. L’attaquant italien Salvatore Schillaci n’avait joué qu’un match de préparation avec la Squadra Azzura, juste avant de disputer le Mondial 1990 à domicile. En 1998, Ronaldo est distingué à seulement 21 ans, âge en dessous duquel il aurait pu prétendre au titre de meilleur jeune joueur (que nous étudierons plus tard).
Plus encore que l’âge ou le vécu international, les quatre lauréats de cette décennie ont un point commun : leur histoire avec la Coupe du monde était vierge. Bien que la plupart d’entre eux avaient fait partie des sélectionnés lors des éditions précédentes, Romario est le seul qui avait disputé un match de phase finale avant de participer au tournoi dont il sera sacré meilleur joueur. Ceci tranche avec les autres gagnants du Ballon d’Or Adidas, qui avaient derrière eux 5 matchs et 2 buts en Coupe de monde en moyenne avant d’être primés.
L’expérience, facteur clé
La tendance à des profils expérimentés s’est accentuée sur les dernières éditions. Les trois derniers lauréats (Zidane en 2006, Forlán en 2010 et Messi en 2014) avaient en moyenne 29 ans et comptaient 83 sélections et 30 buts avant le début du tournoi. Depuis 2002, leur palmarès avant leur distinction est aussi devenu plus conséquent : ils avaient déjà remporté une quinzaine de titres au moins, à l’exception notable de Diego Forlán (4 titres). Sur les neufs lauréats, quatre avaient déjà joué plusieurs matchs de Coupe du monde lors des éditions précédentes.
L’avant et l’après Ballon d’Or Adidas
En comparant les statistiques des neuf lauréats sur la saison précédent la Coupe du monde et la saison suivante, il n’y a pas d’évolution marquée. En moyenne, tous ont disputé une quarantaine de matchs toutes compétitions confondues avant et après le Mondial et marqué une vingtaine de but.
Mais en regardant les situations individuelles, trois cas de figures ressortent. D’abord, mettons de côté deux joueurs à part : Paolo Rossi, suspendu jusqu’au mois d’avril 1982 suite à l’affaire du Totonero, et Zinédine Zidane qui a pris sa retraite à l’issue du Mondial 2006.
Coup de boost
Diego Maradona, Oliver Kahn et Lionel Messi ont parfaitement géré la saison suivant leur titre de Ballon d’Or Adidas. S’ils sortaient tous les trois d’une saison aboutie sur le plan statistique, ils n’avaient pas remporté de titre majeur juste avant d’entamer la Coupe du monde (Lionel Messi avait remporté la Supercoupe d’Espagne en août 2013). En revanche, ils ont enrichi sensiblement leur palmarès dans la foulée : le doublé coupe-championnat national pour Diego Maradona avec Naples (saison 1986/1987) et Oliver Kahn avec le Bayern Munich (saison 2002/2003), et le triplé avec la Ligue des Champions pour Léo Messi et le FC Barcelone (saison 2014/2015).
Coup de mou
A l’inverse, certains lauréats ont connu des saisons post-Coupe du monde plus compliquées. Salvatore Schillaci, Ronaldo et Diego Forlán ont moins joué, moins marqué et n’ont gagné aucun titre majeur juste après avoir brillé en Coupe du monde (Forlán venait de remporter la Ligue Europa avec l’Atletico Madrid en 2010, et n’a gagné que la Supercoupe d’Europe au début de la saison 2010/2011).
Coup de tête (non, pas celui de Zizou en 2006)
La saison 1993/1994 de Romario fut couronné de succès : tout juste arrivé au FC Barcelone en provenance du PSV Eindhoven, l’attaquant brésilien inscrit 32 buts, dont 30 dans un championnat qu’il remporte. Si son début de saison 1994/1995 est un peu plus poussif, il inscrit néanmoins 7 buts en 18 matchs, gagne la Supercoupe d’Espagne et décroche le titre de meilleur joueur de l’année décerné par les sélectionneurs nationaux. Alors que tout lui réussi, Romario choisi de retourner au Brésil en janvier 1995, suite à la dégradation de ses rapports avec son entraîneur Johan Cruyff. Malgré (ou grâce à ?) ce départ inattendu, Romario a gardé un rendement similaire avant et après la Coupe du monde 1994.
Et maintenant, à qui le tour ?
Quand il est question de récompense individuelle dans le football sur ces dix dernières années, on pense forcément à Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Mais aucun joueur n’a réussi à conserver son Ballon d’Or Adidas. Quant à Cristiano Ronaldo il devra être capable de mener le Portugal au plus haut, ce qui n’est plus le cas en Coupe du monde depuis la demi-finale de 2006. Bien qu’il soit le seul joueur portugais dont le profil correspond à celui des lauréats, un profil atypique pourrait émerger de sa sélection.
En regardant les équipes favorites à la victoire finale, on peut identifier, selon le profil défini, des candidats potentiels au titre de meilleur joueur du Mondial en Russie :
Brésil
Neymar, 26 ans (au départ de la compétition), 83 sélections pour 53 buts, 5 matchs pour 4 buts en Coupe du monde, 22 matchs pour 23 buts cette saison (24 janvier 2018), 15 titres remportés
Allemagne
Julian Draxler (élu meilleur joueur de la Coupe des Confédérations 2017), 25 ans, 35 sélections pour 5 buts, 1 match pour 0 but en Coupe du monde, 24 matchs pour 2 buts cette saison (souvent remplaçant), 7 titres remportés
Argentine
Ángel Di María, 31 ans, 92 sélections pour 19 buts, 10 matchs pour 1 but en Coupe du monde, 23 matchs pour 9 buts cette saison, 14 titres remportés
France
Antoine Griezmann, 28 ans, 49 sélections pour 19 buts, 5 matchs pour 0 but en Coupe du monde, 26 matchs pour 8 buts cette saison, 1 titre remporté
Espagne
David Silva, 32 ans, 99 sélections pour 29 buts, 5 matchs pour 0 but en Coupe du monde, 26 matchs pour 5 buts cette saison, 10 titres remportés
Belgique
Eden Hazard, 27 ans, 77 sélections pour 20 buts, 5 matchs pour 0 but en Coupe du monde, 29 matchs pour 11 buts cette saison, 6 titres remportés
Portugal
Bernardo Silva, 23 ans, 21 sélections pour 2 buts, 0 match pour 0 but en Coupe du monde, 34 matchs pour 4 buts cette saison (majoritairement remplaçant), 4 titres remportés
Uruguay
Edinson Cavani, 31 ans, 93 sélections pour 38 buts, 10 matchs pour 2 buts en Coupe du monde, 29 matchs pour 26 buts cette saison, 18 titres remportés
7 réflexions au sujet de “Moi, meilleur joueur de la Coupe du monde !”