World Cup Project #20. Berceau historique du football moderne, l’Europe abrite depuis de nombreuses années les compétitions et les clubs les plus renommés au monde, en concurrence avec l’Amérique du Sud. Cela se traduit-il en une supériorité en Coupe du monde ?
Après avoir largement boudé la première édition, effrayées par le long voyage en bateau jusqu’en Uruguay, les sélections européennes ont rapidement fait, pour ainsi dire, main basse sur le trophée. L’UEFA compte le plus grand nombre de champions du monde différents (cinq) et le plus de titres cumulés (onze). Aucune décennie ne s’est achevée sans au moins un vainqueur européen, ce qu’elle aura en commun avec l’Amérique du Sud si cette dernière remporte l’édition 2018. En nombre de participations et de finales disputées, seule la confédération sud-américaine (CONMEBOL) se rapproche, tout en restant très loin du Vieux Continent. Cependant, l’UEFA n’est pas la meilleure dans tous les domaines.
Un bilan forcément contrasté
Avec onze titres de champions du monde glanés depuis le premier en 1934 (par l’Italie de Mussolini à domicile), le bilan de l’Europe est logiquement meilleur que celui des confédérations n’ayant jamais atteint la finale (l’Amérique du Nord, l’Afrique, l’Asie et l’Océanie). Les sélections de l’UEFA cumulent 232 participations en phase finale, pour un total approchant les mille matchs. Cependant, à l’instar de la CONMEBOL, le continent est à deux vitesses : des locomotives ayant bien figurées en Coupe du monde, en une fois ou sur la durée, et des sélections aux performances correctes à médiocres.
Outre l’Allemagne et l’Italie, qui sont les seules équipes du continent à avoir plus d’une couronne mondiale, les autres champions ont la particularité d’être légèrement sous les 50 % de matchs gagnés. La palme revient à l’Angleterre, avec seulement 42 % de victoires. À titre de comparaison, c’est à peine mieux que l’Équateur (40 % en trois participations) et la Colombie (39 % en cinq participations). Cela traduit l’inconstance sur la durée de ces trois sélections, longtemps cantonnées au rôle d’outsiders, sans réussir à aller au bout des attentes. Ce syndrome est différent de celui de l’Uruguay, sélection au passé glorieux, qui a connu un trou béant entre les années 1960 et 2000, disparaissant carrément de la Coupe du monde dans les années 1990.
En revanche, d’autres sélections européennes jamais titrées ont un bilan plutôt bon en phase finale. C’est le cas de la Hongrie (47 % de victoires), qui a ébloui dans les décennies 1930 et 1950 (deux finales perdues), avant de progressivement décliner et ne plus figurer (neuf participations, la dernière en 1986). Les Pays-Bas ont un bilan très proche de celui de l’Italie (54 % de victoires). Les Néerlandais ont aussi connu des périodes d’absence en Coupe du monde (de 1950 à 1970 et en 1982 et 1986 notamment). Ils ont été performants à presque chacune de leurs participations, en dehors des années 1930 où ils furent éliminés dès leur premier match.
D’autres sélections ont des bilans très honorables comme le Danemark, la Turquie, le Portugal ou la Pologne. Mais globalement, le bilan européen en Coupe du monde est moins homogène que celui de l’Amérique du Sud. Sur les 33 différentes à avoir joué une phase finale, neuf ont remporté moins de 30 % de leurs matchs. De ce fait, le bilan global de l’UEFA est légèrement inférieur à celui de la CONMEBOL en termes de résultats : 43 % de victoires contre 48 %, pour 34 % de défaites contre 32 %. De plus, les sélections européennes ont relativement moins atteint le deuxième tour (dans 58 % des cas) que les sud-américains (64 % des cas).
L’Europe contre le monde
Forte contre l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Afrique
Si l’Asie a, comme je l’ai déjà souligné, le plus mauvais bilan en Coupe du monde, l’Europe n’y est pas étrangère. Depuis 1930, les sélections de l’UEFA et de l’AFC se sont affrontées à 64 reprises, continuellement depuis 1966. Les Européens sont sortis vainqueurs dans 66 % des cas, pour seulement neuf défaites. Plusieurs fois, lorsqu’une équipe asiatique a obtenu de bons résultats contre des sélections européennes (la Corée du Nord contre l’Italie en 1966 où la Corée du Sud en 2002 contre la Pologne, le Portugal, l’Italie et l’Espagne), c’est une équipe européenne qui a mis fin à l’aventure (le Portugal en 1966, l’Allemagne, puis la Turquie en petite finale en 2002). Outre les résultats négatifs, les nations asiatiques ont souvent été balayées par les sélections européennes, ce qui ne leur laissait guère de chance pour se qualifier par la suite. On peut penser au 7-0 du Portugal-Corée du Nord (2010), au 8-0 d’Allemagne-Arabie Saoudite (2002), au 5-0 de Pays-Bas-Corée du Sud (1998), au 9-2 concédé sur les deux matchs par les Émirats arabes unis contre la RFA et la Yougoslavie (1990) ou encore au 16-0 subi par la Corée du Sud face à la Hongrie et la Turquie (1954).
Il en va de même contre les pays de la CONCACAF (Amérique du Nord, centrale et des Caraïbes), battus dans 55 % des cas. Le rapport de force est un peu plus équilibré, du fait des bonnes performances régulières du Mexique et des États-Unis. En 2014, grâce notamment au parcours costaricien, les nord-américains ont plutôt bien figuré contre l’Europe (deux victoires, quatre nuls et quatre défaites). Mais les autres sélections participantes (le Honduras, le Salvador, Trinité-et-Tobago, Haïti, la Jamaïque, le Canada et Cuba) ont très majoritairement chuté face aux nations européennes.
Face aux nations africaines, le bilan est plus contrasté. Certes, l’Europe fut majoritairement vainqueur (51 %). Mais les sélections de la CAF ont obtenu quelques bons résultats dans les années 1980 (les nuls du Cameroun en 1982, la victoire de l’Algérie sur la RFA la même année), ainsi qu’en 1998 (grâce au Maroc et au Nigeria) et 2002 (avec l’épopée sénégalaise et de bons résultats de l’Afrique du Sud, la Tunisie et le Nigeria).
Neutralisée par l’Océanie
L’Europe a été peu souvent opposée à l’Océanie en Coupe du monde. Il faut dire que le continent a été peu souvent représenté. Si la première confrontation en 1982 face à la Nouvelle-Zélande a largement tourné en faveur du Vieux Continent (victoire 5-2 de l’Écosse et 3-0 de l’URSS), la situation s’est équilibrée dans les années 2000. En 2006, l’Australie, représentant pour la dernière fois l’OFC, contraint la Croatie au nul (2-2) et ne perd que d’un but en huitièmes de finale contre l’Italie (1-0). Quatre ans plus tard, les Néo-Zélandais, devenus plus solides, ne perdent pas face à la Slovaquie et l’Italie (1-1 à chaque fois).
Battue par l’Amérique du Sud
Logiquement, la CONMEBOL est la confédération avec qui l’UEFA a le plus souvent croisé le fer en Coupe du monde. Les deux ont été opposées 220 fois en phase finale. Et contre l’Amérique du Sud, l’Europe n’a pas l’avantage. En vingt éditions, les sélections ont obtenu un bilan positif (plus de victoires que de défaites) qu’à six reprises, cinq en excluant le cas particulier de 1934 -seulement deux matchs entre les deux et dans un format à élimination directe. L’inverse s’est produit dix fois, pour quatre bilans équilibrés. Cependant, il faut noter que les performances des Européens ont été meilleures lorsque la Coupe du monde s’est disputée en Europe. En revanche, les sud-américains ont toujours pris l’avantage à domicile (globalement, car on se rappelle du destin du Brésil et de l’Argentine en 2014 par exemple), ainsi que leurs des Mondiaux disputés en Amérique du Nord et centrale (51 % de victoires) et en Asie (50 %). Lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, c’est l’Europe qui a dominé (45 % de victoires pour 27 % de défaites).
Sur l’ensemble des confrontations, le bilan est équilibré mais tourne à l’avantage des sud-américains, qui ont gagné 41 % des matchs, contre 36 % pour l’UEFA et 23 % de matchs nuls. La CONMEBOL est la seule confédération à avoir en moyenne marqué plus de buts contre les sélections européennes qu’ils n’en ont encaissés. Mais surtout, l’Amérique du Sud gagne la bataille des finales disputées : en dix finales entre les deux confédérations, la CONMEBOL en a remporté sept.
À voir si les deux continents s’opposeront encore en finale en 2018, et si l’Europe restera ou non le seul continent à avoir remporté au moins un titre lors de chaque décennie.
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Crédits photos :
Wikipedia Commons, M(e)ister Eiskalt, Stade de Wembley, Licence CC 3.0
Wikipedia Commons, El Gráfico, Selecionado italiano que jugó contra Argentina en España 1982. Los jugadores son Zoff, Antognoni, Scirea, Graziani, Collovati y Gentile; Rossi, Conti, Cabrini, Oriali y Tardelli, domaine public
Wikipedia Commons, Agência Brasil, German captain, Philipp Lahm lifts the 2014 FIFA World Cup after beating Argentina 1-0 in the final in extra-time, Licence CC 3.0
Wikipedia Commons, FORTEPAN adományozó Magyar Bálint, Puskás (Kispest) ballal kapura lő, mögötte Balogh II. (Újpest), Licence CC 3.0
Wikipedia Commons, David Ruddell, Italy vs France, FIFA World Cup 2006 final, french players Lilian Thuram (left) and Zinedine Zidane (right), Licence CC 2.0
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